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Le maillot de bain à l’aise dans l’épure

Ils ont le regard tourné vers ­l’horizon. Lui porte un maillot de corps noir, elle un « maillot de bain deux-pièces avec caleçon rouge grenat et débardeur alpaga rouge et blanc, à la manière d’un pull-over ». C’est en tout cas ce que dit la légende de Plongeurs, célèbre cliché du photographe russe George Hoyningen-Huene.
Prise à l’été 1930, l’image met en scène un couple assis sur un plongeoir, tournant le dos au photographe pour mieux contempler la mer. Mais de mer, point : la photographie a en réalité été prise sur le toit du studio du magazine Vogue, qui domine les Champs-Elysées. Le plongeoir, lui, n’est qu’une superposition de caisses et de planches de bois.
Apprécié des magazines de mode (dont Vogue, donc) pour ses clichés en extérieur, ses compositions d’une élégante simplicité et ses prises de vue en plongée, George Hoyningen-Huene a ­souvent capturé, au cours des années 1920 et 1930, nageurs et nageuses vêtus d’élégantes tenues de bain signées Jean Patou, Lucien Lelong ou Elsa Schiaparelli. Des pièces d’une grande sobriété, aux formes épurées, à peine décorées parfois d’un motif géométrique, qui ont accompagné la lente émancipation des femmes et la libération des corps.
Après des années passées à la plage couvertes de pied en cap – au début du XXe siècle, la tenue de bain convenable consiste en une longue robe corsetée, en coton ou en laine, couvrant l’intégralité du corps afin d’éviter toute trace de bronzage, jugé populaire et donc vulgaire –, les femmes peuvent enfin prendre leurs aises. Dès 1910, les manches raccourcissent, tout comme les jambes des pantalons de baignade. Révolution industrielle aidant, les plages normandes de Deauville et de Trouville sont envahies par la bourgeoisie, qui adopte la décennie suivante un maillot une-pièce plus près du corps.
Les célébrités de l’époque aussi goûtent aux joies du bain de mer : avec son carré court, ses jambes interminables et ses maillots de bain aux lignes graphiques, la chanteuse, actrice et romancière française Suzy Solidor incarne parfaitement cette nouvelle femme moderne et intrépide qui aime l’eau fraîche et la morsure du soleil. Si les décennies suivantes voient apparaître motifs, ornements et autres matières synthétiques, le maillot de bain dans sa version la plus minimaliste continuera de faire des émules.
Il passe particulièrement bien à l’écran, (dés)habillant les actrices du moment : Romy Schneider en une-pièce blanc dans La Piscine (1969), Bo Derek et son maillot quasiment ton sur ton dans Elle (1979), Virginie Ledoyen dans un deux-pièces bleu lagon dans La Plage (2000). A l’heure où le sport inspire les créateurs de tous bords, il tend aujourd’hui de nouveau vers l’épure, décliné dans des teintes naturelles sobres et sensuelles.
Margaux Krehl
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